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Ce document est une critique du film "voyages en Italie" de Sophie Letourneur. Le film mélange les styles de cinéma vérité et de cinéma diariste conversationnel, et explore les thèmes de la micro-politique du couple, des galères de voyages, de la fête de l'insignifiance, de la place du corps et de ce que l'enfant fait au couple. Le film est également une référence au voyage en Italie de Rossellini, avec un suspense sur le couple qui se défait et se refait constamment. La critique note une moindre drôlerie que dans les autres films de Letourneur, mais une proximité avec les personnages et une réflexion sur le couple et le cinéma.
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Beaucoup de goût pour le film qui me semble faire une pont dans sa filmographie.
La structure du film mêle ainsi les deux manières Letourneur . D’abord le cinéma vérité façon vie au ranch. Ou l’on s’attaque cette fois au cauchemar joyeux qu'est le couple, ( et non plus la bande) . Plus précisément le couple avec enfant (vs celui qui fait le tour du monde sans enfant). Puis en milieu de film, retournement assez spectaculaire en cinéma diariste conversationnel, façon les coquillettes. Mais la où le procédé était annoncé d’entré de jeu avec un travail de post production sur les paroles échangées, monstration plutôt ici de sa méthode de travail. Prise de note audio a même la vie, pour les retravailler ensuite et faire rejouer a ses acteurs ces scènes a l’oreillette. Naturalisme recomposé.
Retournement qui a un peu pour effet de briser l'immersion. Vrai rupture, opposition entre cinéma du réel et ce making off dans le film, commentaire du commentaire du commentaire. Ralentis un peu le film mais produit des effets intéressant.
Et à partir de cette structure, plein de thèmes : les galères des voyages, la micro politique dans le couple, la fête de l'insignifiance, la place laissée au corps, ce que l'enfant fait au couple.
Et quant à l’histoire, emprunte au voyage en Italie de Rossellini, couple qui se défait. Sauf qu’ici se défait et se refait constamment. Rosebud érotique, suspens durant tout le film, vont il de nouveau faire l’amour ?
Micro politique du couple, ou comment on se fait des micro guerre en couple pour tenir son espace . Les mimiques, les accès de sincérité qui blessent, les white lies (’’bah tu m'as pas vu, bah non’’ moment ou sophie laisse passer Phillipe devant elle sans l’appeler, agacée sans doute ). La jalousie aussi évidemment, plus ou moins feinte . Avec la question sans cesse recommencée du choix (plage et volcan ou volcan puis plage, tour du cratère ou non, douche ou non le scooter.) Abouti a une "perte du libre arbitre" quand on est à deux (mimique exaspérée en réponse de Sophie à cet "accès de sincérité"). Défi parfois envoyés à l'autre plus ou moins consciemment (je reviendrai avec Raoul, mais c'est horrible de me dire ça. Bah pourquoi. Non mais dans ce cas-là je le fais)Petites mythologies personnelles dévoilées “ tu me dis que tu as le vertige mais tu n'as jamais le vertige en fait.” Et bien sur le faisage de gueule enfin, cette arme ordinaire du couple. Toujours conditionné par des montagnes de petites raisons additionné les unes aux autres. Pas juste mais “logique”. Tourne au cauchemar donc. Le couple comme lieu de indécision, ou le désir s’ égare.
Tout au long du film fine description de la galère que peut être un voyage . Derrière la carte postale et les promesses des voyagistes : la chambre d'hôtel pas comme sur le site (,ou l’on voyait couple heureux se jeter dans une vaste chambre blanche image kitch du bonheur,), l'odeur d'œuf pourri, les plages de galets. Le volcan impossible d'accès sauf pour un couple "parfait", on ne sait pas comment ils sont arrivé là. Les autres touristes qui font des selfies, de la poussière. Les parkings. L’hesitation quant au restaurant. Bref ce qu’n oublie ensuite mais qui n’aura pas rendu très heureux sur le moment.
Debut du film sous COVID, masqué contraint. D’utant plus que couple un peu en crise . Ce que l'enfant fait au couple . Pudeur dans son traitement puisqu'il est laissé hors champs. Et pourtant toujours là, dans l'inquiétude dans la conversation, de par sa présence sonore. Pédagogie positive ? Soucis constant en tout cas et attention qui mange le couple et détermine la valorisation des parents, entre ceux qui savent faire, à qui il est habitué, et ceux qui ne savent pas faire. Avec qui il risque de faire de la bille ou du glaire. Empêche de faire couple, et en tout cas d’avoir la vie parfaite de ceux qui font des tours du monde ‘’ sans enfants’’ . Découverte en Sicile d’une momie d’enfant au visage très beau.
Heureusement moment vacance, même si enfant toujours quelque part puisque téléphone. Reste que l’on peut enfin se parler sans des dessins animés trop fort. (// Surcharge sonore de la vie au ranch dans cette scene de télé allumée) . Discussion d’adulte vraiment ? Le couple en voyage ou la fête de l'insignifiance, et ce n'est pas si grave. On se raconte des trucs rien de passionnant. Letourneur va jusqu’a organiser une fuite du sens. Ainsi propos sur l'urbanisme, thème rhomérien s’il en est , qui n'aboutira pas à grand-chose, sinon à une crise de vertige de Sophie. On est loin et c'est à dessein, de la philosophie pascalienne et kierkegaardienne de chez Rohmer, implanté, plutôt élégamment mais tout de même , dans la bouche de ses personnages . Non, ici on laisse place à une insignifiance tranquille des conversations, déclassée en bavardage, mais ce n'est pas si grave. C'était déjà le cas dans la vie au ranch. Caractère phatique du langage, (moins la drôlerie cependant) . Sophie Letourneur, une sorte de Rohmérienne anti-Rohmer d'un certain point de vue. Met en scène des conversations pour mieux ne rien les faire signifier. Very small talk.
Laisse place à autre chose, au corps en particulier. Grosse place du corps durant tout le film, a commencer par l’entorse de Phillipe Katherine qui l’accompagnera tout le film. Claudiquement comique, claudiquement du couple aussi. Corps au centre de nombreuse scène, que ce soit via la limonade, les moments du coucher, les frictions et caresse , la pommade pour éviter que le corps, qui fait de la graisse au mauvais endroit, brûle, les moustiques, la chaleur, la pointure des chaussures, scène de toilette aussi, qui film cela au cinéma ! Le corps de l'enfant évidemment aussi ; mal au cœur, et en fait au sternum, ce qui n'empêche pas de produire des glaires. Le bain de boue.
Et lie à ce soucis des corps le rosebud du film, son suspense, vont-ils faire l'amour ? Mal parti, il est tout le temps fatigué, elle a ses règles. Nuisette mise puis enlevée. On ne la reverra plus. Attouchement sur le scooter. Qui finit pratiquement dans le fossé. Sexe en bronze de la statut trop burlant. Avant de coucher enfin ensemble, après une soirée morne à boire un verre, sans préméditation. Parce que le corps le veut. Et le volcan qui s'allume au loin. Ironie signifiante.
Surprenant , la forme diariste conversationnelle emprunté en plein milieu de film. comme si pour Letourneur plus grand plaisir dans la reprise du vécu que dans le vécu lui-même. Très grand plaisir en tout cas dans la ressaisie d'un réel toujours un peu maladroit inattendu, empêché, pataud. "C’est toujours les plus grandes galères que l'on prendra le plus de plaisir à raconter ensuite" . Et d’ailleurs c’est a cette endroit que le couple fait enfin un peu couple. quelque chose de Montaigne la dedans. Bonheurs de la reprise. De la réjouissance ; et en l'occurrence de la co-rejouissance puisque forme diariste ET conversationnelle qui fait pas mal ma joie. Pas anodin que le titres soit au pluriel d’ailleurs. Référence au film de Rossellini sans doute mais également a la dimension durable de ce voyage , reconstitué et donc refait a chaque fois voyage, voyages. Accentue soucis du reel puisque fait parfois soumis à la controverse.
D'ailleurs, morceau de musique’’ juste une mise au point sur quelques moments de la vie.’’ Valeur métonymique de cette chanson; nombreux zoom tout au long du film sur des petits détailles. ‘’Bibite’’
A pour effet de “Retourner l'insignifiance en réflexion sur le couple et le cinéma."
A noter tout de même moins de drôlerie que dans les autres films de le Tourneur cependant, D’où ma catégorie critique un peu étrange du kiff, le film ressenti au premier degrés. Me dérange pas en propre mais je l’enregistre on kiff moins que devant les coquillettes ou la vie au ranch.